François MAON, Professeur de stratégie et de RSE à l’IÉSEG
Originaire de Bruxelles, François MAON s’est formé à l’Université catholique de Louvain, d’abord au sein du master en management des entreprises. Son travail de thèse, suite à un mémoire de fin d’études produit en partenariat avec l’ONG OXFAM, l’a conduit à s’intéresser aux questions de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Et à la nécessaire transformation stratégique et culturelle des organisations commerciales pour créer de la valeur durable.
Ce travail a été fondateur des compétences et des convictions que François MAON s’est forgé par la suite.
La préparation de son doctorat, obtenu à la Louvain School of Management, passera par une année de formation à l’Université de Californie à Berkeley et par des collaborations internationales, notamment à la Copenhagen Business School au Danemark.
Des enseignements et des pratiques d’entreprises porteurs de sens
« Ces échanges m’ont véritablement ouvert sur le monde et sur d’autres cultures d’enseignement et de management d’entreprises, affirme François MAON. Ils m’ont fait prendre conscience qu’ici, en France, à Lille et dans la région, nos enseignements axés sur la RSE et la durabilité, ainsi que les pratiques, dans ce domaine, de bon nombre d’entreprises de l’écosystème local, sont porteurs de sens et inspirants ».
En juin 2010, au lendemain de sa soutenance de thèse, François MAON est embauché à l’IÉSEG. Il est alors l’un des premiers enseignants permanents de l’École sur la thématique de la RSE et de la durabilité : « Nous sommes plus d’une vingtaine aujourd’hui explicitement dans ce domaine » constate-t-il.
« ICOR : 37 enseignants-chercheurs de différentes disciplines collaborent »
En 2014, il contribue à la création, au sein de l’École, du Centre d’excellence ICOR : IÉSEG Center for Organizational Responsibility. Tout comme les autres Centres d’excellence et de recherche qui seront organisés par la suite au sein de l’IÉSEG, ICOR rassemble aujourd’hui des enseignants-chercheurs de différentes disciplines. Ils travaillent sur des projets en lien avec les exigences de responsabilité et de développement durable et ils mènent de front l’enseignement, la recherche et des services aux entreprises et à la société.
Aujourd’hui, l’IÉSEG accueille une Direction dédiée à l’impact et à l’intégration des questions de durabilité dans l’ensemble de l’École.
« ICOR a progressivement permis d’infuser dans l’ensemble de l’IÉSEG, chez les enseignants chercheurs et les étudiants, les connaissances, la culture et les pratiques de durabilité, de responsabilité et d’éthique des affaires. C’est un moteur puissant de production de recherches qui sont devenues beaucoup plus visibles à l’international » observe François MAON.
La Chaire « Sustainability of Business in Society » : vers de nouveaux modèles économiques
Plus récemment, en 2022, notre chercheur a largement contribué à la création de la Chaire de recherche « Sustainability of Business in Society – Nouveaux modèles économiques » sous l’impulsion de l’IÉSEG, de l’Université catholique de Lille et de sa Fondation.
Il assure avec Lies BOUTEN, directrice de la recherche à l’IÉSEG, l’animation de cette chaire qui rassemble des enseignants-chercheurs, des étudiants et des responsables d’organisations et leurs équipes, telle la société à mission Colombus Consulting.
L’ambition de la Chaire est de contribuer à la réflexion et à la pratique autour de la réorientation des modèles d’entreprises vers des trajectoires plus durables et responsables. L’enjeu est clairement d’assurer leur pérennité.
« Nous devons inspirer et générer des contenus d’enseignement innovants en phase avec la réalité et les défis posés aux entreprises, précise François MAON. Puis développer et partager des outils pratiques de pilotage pour les organisations qui souhaitent s’engager davantage dans les questions de durabilité, pour les placer au cœur de leurs modèles d’activités. La nécessaire transformation de notre système passera par les acteurs qui, à la base, le font vivre et le font évoluer »
Les membres de la Chaire SBS s’intéressent en particulier aux thèmes suivants : comment les équipes RSE ou durabilité, déjà existantes dans les entreprises, peuvent-elles réellement peser sur les changements stratégiques, organisationnels et culturels nécessaires ? Comment irriguer les organisations et faire fleurir les démarches vertueuses ? Comment mieux gouverner et intégrer les parties prenantes dans les processus de décision et de développement de ces démarches de durabilité ?
Faire basculer progressivement la logique du système
« Nous avons conclu un partenariat avec l’Association B.LAB France, qui représente le mouvement B Corp en France, pour nous inspirer mutuellement et diffuser des normes, des programmes, des outils qui modifient les comportements et le management des entreprises, indique François MAON.
Il nous faut repenser les fondements culturels et philosophiques de notre système, en les faisant basculer progressivement d’une perspective centrée sur la concentration de la richesse et du pouvoir vers une vision porteuse d’équité, d’inclusion et de collaboration.
A l’IÉSEG, nous aspirons et réfléchissons à l’émergence d’entreprises et d‘organisations qui fixent et assument des objectifs sociaux et environnementaux clairs et précis, inscrits dans leurs priorités stratégiques ; qui gèrent de façon transparente ; qui se montrent ouvertes et responsables à l’égard des parties prenantes ; tout en préservant leur valeur économique, voire même, pour certaines, en créant dans la durée davantage de valeur grâce aux nouvelles priorités embrassées ».
« Les changements culturels sont longs à mettre en œuvre »
Ces changements fondamentaux ne se décrètent pas. François MAON observe que la volonté de changer doit résulter d’un engagement authentique, fondé sur des valeurs et doit s’exprimer clairement au niveau du top management.
« Les changements culturels sont longs à mettre en œuvre, dit-il, car il y a des résistances à prendre en compte, ainsi que des tensions, qui peuvent venir de l’actionnariat mais aussi de compétitions, au sein de l’entreprise, entre logique de performance, logique commerciale, logique environnementale et sociale. Sans oublier la place et la reconnaissance auxquelles chaque individu aspire au sein de son bureau, de son atelier, de son entreprise ».
« Avons-nous le temps pour engager ces changements ? A l’évidence, non »
Avons-nous le temps pour engager ces changements vers plus de durabilité ? « A l’évidence, non, affirme François MAON. Notre humanité vit une situation économique, sociale et environnementale dégradée. Nous avons atteint les limites des ressources que peut fournir la planète. On peut même parler de dynamique d’autodestruction.
Et dans ce contexte, c’est bien le système de l’entreprise lucrative traditionnelle, qui étouffe souvent notre capacité d’imagination et de réinvention, qu’il faut transformer ».
Les étudiants deviennent une véritable force de transformation au sein de l’École et des entreprises
Les jeunes ne s’y trompent pas. « Il y a 10 ans, nos étudiants, pour la plupart, intégraient encore peu les défis climatiques, économiques et sociaux qui se posaient aux entreprises, aux organisations et aux États. Tout a changé : on assiste à une explosion du nombre de mémoires de fin d’études consacrés aux questions de durabilité. Leurs jeunes auteurs deviennent une véritable force de transformation, au sein de l’IÉSEG d’abord, puis au sein des entreprises qu’ils vont intégrer ou créer ».
François MAON souligne également que l’École a beaucoup œuvré pour que l’ensemble de ses enseignants et personnels administratifs soient formés aux enjeux et pratiques de la durabilité. Sept modules de formation, obligatoires, sont organisés aujourd’hui sur les questions du climat, de l’inclusion, de l’équilibre à trouver entre performance de l’organisation et bien-être des collaborateurs… Chaque équipe au sein de l’IÉSEG est appelée à définir sa propre feuille de route vers la durabilité.
Donner à chacune et chacun la capacité de réfléchir et d’agir
« Notre mission, conclut François MAON, c’est de donner à chacune et chacun, que ce soit à l’intérieur de l’École ou au sein des entreprises, la capacité de réfléchir et agir, en évitant les simplismes et en expérimentant, pour une société plus juste et durable.
Il nous faut pour cela chercher, encore et toujours, pour dépasser la résignation et rester persuadés que chercher demeure un des principaux défis de notre existence, comme l’exprime la philosophe Cynthia Fleury : chercher est une façon d’articuler le désir et l’action et de mettre en mouvement une certaine intelligence, une volonté et des tentatives d’expérimentation, pour avancer et « soigner » ensemble et ne pas se contenter de la critique ou de la seule théorisation ».
Si les questions de durabilité absorbent une grande partie du temps de François MAON, ses travaux les plus récents traitent également des responsabilités des entreprises en zone de conflit et à leur rôle dans la construction de la paix ou dans l’entretien de la violence.
Propos recueillis par Francis DEPLANCKE