Isabelle Vaast, Sage-femme, Docteur en sciences de l’éducation
Le parcours d’Isabelle Vaast, Vice-Doyenne Maïeutique de la Faculté de Médecine, Maïeutique et Santé (FMMS), fait écho à l’évolution du métier de sage-femme depuis ces quarante dernières années. Un chemin long mais résolument optimiste vers la reconnaissance, à la fois sociétale et universitaire, de la profession.
Isabelle Vaast, sage-femme et docteur-enseignante en maïeutique, ne regrette rien. Celle qui se destinait, en 1983, à devenir pédiatre a finalement fait le choix d’accompagner les femmes à mettre au monde leurs nouveau-nées. Les débuts de sa formation à l’Ecole de sages-femmes Baudelocque de la faculté de médecine de Paris connurent pourtant quelques « contractions », dues à « un environnement pédagogique et relationnel froid et difficile, heureusement compensé par l’excellence des cours qui m’ont donné le goût de l’enseignement », se souvient-elle.
Direction : la salle de naissances et la salle de cours
Arrivée dans le Nord en 1986, elle exerce à la maternité de l’Hôpital Saint-Philibert. Très vite elle est sollicitée par l’Ecole de sages-femmes de l’Institut Catholique de Lille pour y faire des remplacements. Son parcours prend alors deux directions, complémentaires : la salle de naissances pour les consultations prénatales et les salles de cours pour l’enseignement. « Je me définis d’abord comme sage-femme mais l’envie d’apprendre et de transmettre m’a toujours été chère », précise-t-elle.
« Je me définis d’abord comme sage-femme mais l’envie d’apprendre et de transmettre m’a toujours été chère »
Sa formation en psycho-périnatalité, auprès de la pédopsychiatre Françoise Molénat, va bouleverser sa vision et sa pratique du métier. L’approche exclusivement médicale de la naissance prévalait alors depuis les années 60 « car la priorité était de baisser le taux élevé de mortalité et d’assurer la sécurité médicale de la mère et de l’enfant » se souvient Isabelle Vaast.
Cette approche est remise en cause au début des années 2000 par les femmes elles-mêmes, qui demandent une prise en charge de la naissance plus humaine et personnalisée. La surmédicalisation et le suivi de grossesse très codifié en France, bien qu’adaptés aux grossesses pathologiques, ne conviennent plus aux femmes qui vivent, pour le plus grand nombre, une grossesse physiologique sans problème médical.
Redonner du sens aux gestes en salle de naissances
Isabelle Vaast participe à ce mouvement en se perfectionnant en maïeutique. Elle élargit sa réflexion en questionnant le bien-fondé et le sens d’actes rendus systématiques en salle de naissances, comme l’épisiotomie, le déclenchement, voire même la césarienne de convenance.
« Il fallait remettre en cause nos certitudes, serappelle-t-elle. Il fallait redonner du sens à nos gestes, établir une relation moins paternaliste avec les patientes et répondre à leur demande d’autonomie, d’écoute personnalisée. Tout en leur offrant la sécurité dont elles ont besoin, que ce soit en milieu hospitalier ou dans les maisons de naissance qui commencent alors à arriver en France. Et il le faut toujours ».
L’impératif était bien de questionner et faire évoluer les pratiques, autant pour améliorer le bien-être des parturientes que pour atténuer le mal-être des sages-femmes hospitalières et freiner leur fuite vers un statut libéral.
« Il fallait remettre en cause nos certitudes »
Notre sage-femme enseignante obtient un Diplôme universitaire d’Éthique de la santé sur « Le déclenchement de convenance de l’accouchement » etconsolide son approche pédagogique en obtenant un Master 2 en Sciences de l’Education sur le thème de « L’enseignant en maïeutique et l’accompagnement des étudiants ».
Pour des responsabilités effectivement reconnues et mieux rémunérées
Ce faisant, elle s’interroge également sur la place de l’étudiante, de l’enseignante en maïeutique et de la sage-femme en activité dans la distribution des rôles autour de la naissance.
Comment se fait-il qu’à bac+5, avec des missions toujours plus diversifiées et de plus en plus nombreuses, les sages-femmes, ayant la responsabilité de deux vies entre leurs mains à chaque accouchement, soient largement sous-payées par rapport à d’autres acteurs hospitaliers ou d’autres métiers du même niveau d’études comme les ingénieurs par exemple ?
Et bien qu’elles soient indépendantes et autonomes, les sages-femmes doivent aussi savoir gérer, au bon moment lors de l’accouchement, l’intervention du médecin.
« La responsabilité de deux vies entre leurs mains »
Rééquilibrage du lien hiérarchique, bataille pour les salaires, reconnaissance de la complémentarité et de la spécificité des professions : les dossiers sont ouverts.
Pour sa part, Isabelle Vaast contribue à relever ces défis. Elle obtient en 2019 un doctorat en sciences de l’éducation sur un sujet central : « L’universitarisation de la formation de sage-femme et ses conséquences pour les structures de formation. Entre dynamique de professionnalisation et remaniement de l’identité professionnelle des enseignants en maïeutique ».
Une formation universitaire de sages-femmes docteurs en maïeutique
La loi de janvier 2023 sur la réforme de la profession fixe l’intégration obligatoire de la formation des sages-femmes à l’Université et la création d’un statut universitaire d’enseignant-chercheur en maïeutique et de maître de stage.
L’ajout d’une sixième année, et donc d’un 3ème cycle court, associé à la refonte du contenu, constitue, pour elle, « un bol d’air à une formation déjà très dense, convergence de plusieurs disciplines tels que l’obstétrique, la gynécologie, la pédiatrie, la sociologie, la psychologie, l’anthropologie, le droit, l’éthique, la santé publique, l’interculturalité… ». Cette évolution va permettre de répondre aux besoins des étudiant-es mais aussi aux évolutions des compétences et de l’exercice du métier des sages-femmes.
« Que les sages-femmes soient fières de leur métier »
Face à la crise d’attractivité que la profession connait actuellement, la réponse est d’abord celle de la reconnaissance du statut médical des sages-femmes. Les docteurs et docteures en maïeutique, dont la première promotion quittera les bancs de la FMMS en juin 2029, disposeront-ils et elles des mêmes prérogatives que les autres professions médicales, tant au cours de leur formation que pour leur statut professionnel ?
« Un progrès vient d’être réalisé mais il faut continuer à faire évoluer notre identité professionnelle. Et que l’on cesse d’être considérées comme n’étant ni infirmières, ni médecins, souhaite Isabelle Vaast. Accompagner les femmes à donner la vie est un métier à part entière, à la croisée de nombreuses compétences. Que les sages-femmes soient à nouveau fières de leur métier, tel est mon souhait ».
La vie, dit-on, n’a pas de prix mais la carrière des sages-femmes en a un : celui d’une juste rétribution et de l’équitable revalorisation d’une profession précieuse et essentielle à notre humanité.
Propos recueillis par Lise DominguezIsabelle.vaast@univ-catholille.fr