La recherche médicale et clinique monte régulièrement en puissance au sein du Groupement des Hôpitaux de l’Université. C’est que, dans le domaine de la santé, la recherche, la formation et les services de soin à la population sont intimement liés et constituent un facteur essentiel d’évolution de la médecine de demain.
Entretien avec le docteur Marie-Paule LEBITASY, cheffe de service de la recherche biomédicale et directrice de la Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation (DRCI) au sein du Groupement des hôpitaux de l’Université.
Quelles sont la raison d’être et la contribution de la recherche médicale au sein du Groupement des Hôpitaux de l’Université ?
L’Université catholique de Lille a une très longue tradition – 150 ans – de formation des médecins et des professionnels de la santé ainsi que des soins apportés aux populations de notre région.
Dès sa fondation en 1875, l’Université a créé une Faculté de médecine, des écoles d’infirmières et de sages-femmes ainsi que des dispensaires et des hôpitaux.
La recherche s’y est développée au fil des décennies dans différentes spécialités médicales. Aujourd’hui, elle se manifeste par la structuration des travaux autour d’axes scientifiques majeurs ; par des publications plus nombreuses et à fort impact dans les revues scientifiques et les congrès ; par l’engagement de praticiens hospitaliers dans les études doctorales ; par l’obtention de labels de l’État pour le développement des essais cliniques.
« Générer de nouvelles connaissances sur les maladies »
La recherche est une raison d’être de nos établissements hospitaliers. En générant de nouvelles connaissances sur les maladies, elle permet de les prévenir, les dépister, les contrôler, les traiter et les guérir.
Parcours en recherche clinique et innovation
Marie Paule Lebitasy, est une experte dans le domaine de la recherche clinique et de l’innovation médicale.
Docteur en médecine de formation et titulaire d’un Diplôme d’Etudes Approfondies en épidémiologie et recherche clinique, elle a suivi des formations spécialisées en audit des industries du médicament et en gestion de la vigilance des essais cliniques.
Elle a construit son parcours professionnel autour de la recherche médicale, dans l’accompagnement des cliniciens chercheurs et dans l’animation des stratégies de recherche institutionnelle, en particulier au Centre Oscar Lambret de Lille.
Depuis octobre 2022, elle est cheffe de service de la Délégation à la Recherche Clinique et Innovation (DRCI) dans les hôpitaux du Groupement Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) : hôpital Saint Philibert et hôpital Saint Vincent de Paul.
Quels sont les axes prioritaires de recherche ?
Ils sont choisis à partir des expertises de nos soignants et chercheurs, de leur participation aux sociétés savantes nationales et internationales, mais surtout en fonction des besoins de la population reçue en patientèle. Ils sont complémentaires des champs de soins et de recherche du CHRU de Lille.
La cardiologie (Données Arythmie Technologie et imAgerie CARDiovasculaire DATACARD). Les praticiens sont spécialisés dans les domaines des valvulopathies, de l’imagerie cardiaque et de la rythmologie. Responsable de l’axe de recherche : Prof. Sylvestre Maréchaux.
L’innovation en neurosciences. Les travaux de recherche sont centrés sur la sclérose en plaques et les maladies apparentées. Ils couvrent les aspects cliniques, les techniques innovantes et l’épidémiologie des pathologies neurologiques et neurodégénératives. Responsables de l’axe : Prof. Arnaud Kwiatkowski (relai du Prof. Patrick Hautecoeur), Dr Cécile Donzé, Prof. Sébastien Verclytte.
Les troubles musculosquelettiques et plus particulièrement la pathologie microcristalline (goutte et chondrocalcinose). Avec une reconnaissance internationale unique, cet axe traite une question importante de santé publique peu connue des acteurs de la santé et encore moins du grand public. Responsables de l’axe : Prof. Tristan Pascart, Dr Guillaume Lefebvre (relai du Prof. Jean-François Budzik).
L’hématologie et la thérapie cellulaire. En complémentarité avec le CHU de Lille et avec le Centre Oscar Lambret, cet axe se centre sur trois thématiques : les syndromes lymphoprolifératifs, les syndromes myéloprolifératifs, les maladies rares du globule rouge. Responsables de l’axe : Prof. Laurent Pascal, Dr Sandy Amorin.
La pédiatrie (Infection – Nutrition – Environnement). Les travaux de recherche se concentrent sur l’infection à Helicobacter Pylori, en lien avec le contexte environnement – nutrition et sur l’œsophagite à éosinophiles. Responsables de l’axe : Prof. Nicolas Kalach, Prof. Pierre Gosset.
Il faut aussi souligner l’émergence de l’équipe de gériatrie, qui centre ses travaux sur l’anticipation des soins chez les patients âgés en fin de vie. Responsable de l’axe : Dr Fabien Visade.
Les praticiens hospitaliers sont-ils encouragés à s’engager dans la recherche ? Avec quel accompagnement ?
Le Groupe hospitalier compte 570 médecins et, chaque année, nous recrutons des médecins qui souhaitent exercer dans nos hôpitaux parce qu’ils savent qu’ils pourront développer des activités de recherche. C’est un vrai facteur d’attractivité, y compris pour les patients.
Nous encourageons donc les médecins et l’ensemble des soignants qui le souhaitent à s’engager dans un parcours de recherche, à préparer des projets de recherche (ça peut être dans le cas d’une thèse de doctorat en sciences) dans les domaines de la médecine, de la biologie ou des sciences humaines et sociales.
Trouver l’équilibre entre le temps de la clinique, le temps de la recherche et le temps personnel »
Actuellement, huit praticiens hospitaliers sont en préparation de thèse. C’est un parcours exigeant car il faut trouver son équilibre entre le temps de la clinique, le temps de la recherche et le temps personnel. C’est un engagement de 5 ans, accompagné par les chefs de service hospitalier et la DRCI.
Ils sont inscrits à une École doctorale, en particulier à l’École doctorale Polytechnique Hauts – de – France de l’Université de Valenciennes, dont notre Université est membre. Les laboratoires d’accueil sont situés dans notre Université, dans des Universités en France ou à l’international.
Quelles sont les missions de la Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation ?
C’est un service de promotion et de mise en œuvre des projets de recherche menés par les équipes du Groupe hospitalier au bénéfice des patients.
La DRCI compte quarante collaborateurs, dont des attachés de recherche clinique. Ils sont spécialisés dans l’accompagnement des praticiens hospitaliers pour transformer une idée de recherche en un projet viable qui, dans la plupart des cas, inclura des patients. On parle alors d’essais cliniques.
« Transformer une idée de recherche en un projet viable »
Trois cellules interviennent dans ce processus.
La cellule Méthodologie et biostatistiques (coordonnatrice : Laurène Norberciak). Lorsque des soignants désirent mener un projet de recherche, cette cellule les accompagne pour en définir les objectifs et élaborer le schéma de l’étude ; analyser les données et aider à publier les résultats.
543 publications scientifiques ont été réalisées de 2019 à 2023.
Les médecins peuvent aussi avoir accès à des données des patients, recueillies lors des soins et les utiliser à des fins de recherche. Cette réutilisation est, bien entendu, encadrée réglementairement afin d’assurer la sécurité des données et garantir les droits des patients. Nous avons été récemment lauréat d’un appel à projets national pour créer un entrepôt de données de santé de nos patients : c’est un outil qui permettra de réaliser plus de recherches avec une envergure plus large.
La cellule Promotion (coordinatrice : Marie De Solère). Elle prend en charge les projets impliquant directement les patients pendant leurs soins. En lien avec la cellule Méthodologie, elle élabore avec le chercheur le protocole d’étude, le qualifie, recherche les financements nécessaires (achat de matériels, de médicaments…), sachant que le coût d’un essai clinique peut varier de quelques milliers d’euros à plus d’un million d’euros.
La cellule Investigation (coordinatrice : Catherine Cunisse). Elle lance le projet de recherche au sein des services hospitaliers et le fait vivre : transmission des informations entre les promoteurs de l’étude, les équipes soignantes et les patients ; inclusion des patients dans les essais cliniques ; suivi des patients en lien avec leurs médecins ; gestion des documents des essais et des surcoûts engendrés.
Combien de projets de recherche et d’essais cliniques suivez-vous chaque année ?
Nous assurons actuellement le suivi de 300 projets, tout statut d’avancement confondu. La plupart de ces projets incluent des patients du Groupe hospitalier mais aussi d’autres établissements dans la région et en France.
Il faut savoir que ce type de recherche peut nécessiter entre deux ans et cinq ans pour développer et sortir les résultats.
Propos recueillis par Francis Deplancke et Lucile Vervust
Lebitasy.Marie-Paule@ghicl.net
www.ghicl.fr/recherche-medicale/DRCI