L’Unité Mixte de Recherche transfrontalière (UMR-t) 1158 BioEcoAgro a été créée en 2020 pour fédérer près de 450 chercheurs, doctorants, ingénieurs et techniciens franco-belges. Avec comme ambition de devenir un centre international d’excellence dans le domaine de l’ingénierie biologique appliquée à l’agriculture, la biotechnologie, l’agroalimentaire et l’environnement.

L’équipe de recherche de JUNIA « Plant Pathology and Biocontrol » du département « Agriculture and Landscape Sciences » y joue un rôle essentiel. Son responsable, Ali SIAH, co-anime l’axe transversal « Biocontrôle » au sein de l’UMR-t.

BioEcoAgo, l’unique unité de recherche transfrontalière française, est née de la volonté de l’INRAE, de l’Université de Lille, de l’Université de Picardie Jules Verne et de l’Université de Liège (Belgique), auxquels se sont associés l’Université d’Artois, l’Université du Littoral Côte d’Opale, l’ICAM et JUNIA, pour se structurer et dynamiser la recherche scientifique sur l’agriculture et l’alimentation au sein de la région transfrontalière.

L’agriculture et l’alimentation durables

Cette création consolide et élargit des liens de coopération scientifique qui s’étaient tissés depuis 10 ans au sein de l’Institut Charles Viollette, porté en région Hauts-de-France par les Universités régionales, l’ICAM et JUNIA, avec comme résultat de booster les recherches sur l’agriculture et l’alimentation durables, en coopération avec les acteurs du terrain.

BioEcoAgro est un laboratoire en réseau, qui se focalise sur trois domaines de recherche :

  • La compréhension du fonctionnement des plantes et des écosystèmes, dans des environnements naturels ou contrôlés et dans un contexte de changement climatique.
  • Le décryptage et la maîtrise de la biosynthèse ou de la bio-production de biomolécules actives d’origine végétale ou microbienne.
  • La bio-préservation et la formulation des aliments dans des optiques de nutrition et de santé.

Au sein de cet ensemble, le biocontrôle a été retenu comme une thématique de recherche phare et transversale, coanimée par Marc ONGENA, de l’Université de Liège et par Ali SIAH, de JUNIA.

Réduire la dépendance de l’agriculture aux pesticides

Il s’agit de rechercher des méthodes alternatives à la lutte chimique contre les bioagresseurs et de réduire la dépendance des systèmes agricoles aux pesticides conventionnels. Afin de relever ce défi majeur, le biocontrôle est l’un des leviers les plus prometteurs pour protéger les cultures contre les bioagresseurs et garantir des productions agricoles de qualité et en quantité suffisantes.

Ali SIAH, bio-express                     

Ali SIAH est Professeur en Pathologie végétale et Biocontrôle au sein de JUNIA. Il a intégré l’ISA en 2005 comme doctorant et a soutenu sa thèse en 2009 sur la protection du blé contre la septoriose, la maladie principale sur cette culture. Il a obtenu son Habilitation à Diriger des Recherches en 2017 sur la bioprotection des plantes contre les agents phytopathogènes.  

À ce jour, il a participé à l’encadrement ou à la direction de 16 thèses de doctorat, ainsi qu’à la publication de 60 articles scientifiques dans des journaux à comité de lecture. Il contribué à l’organisation de cinq congrès scientifiques internationaux, comme cette année l’ICPP2023 Satellite Symposium PlantBioRes sur l’immunité induite des plantes, qui a rassemblé près de 140 chercheurs de 27 pays. Il est membre élu au Conseil d’Administration de la Société Française de Phytopathologie, une société savante fédérant plus de 300 adhérents.

Ali SIAH anime à JUNIA une équipe de 14 enseignants-chercheurs, enseignants, doctorants, ingénieurs et techniciens.                                            

                                                                                                         

Six questions à Ali SIAH

  1. Comment ont évolué les pratiques de protection des plantes dans l’agriculture ces dernières décennies ?

Les plantes peuvent être attaquées et impactées par plusieurs types de bioagresseurs, comme les insectes ravageurs, les virus, les bactéries, les champignons, les nématodes, ainsi que les plantes parasites et adventices.

L’usage des pesticides s’est très largement développé en agriculture à partir des années 1960, au démarrage de la « révolution verte », en même temps que la mécanisation et la sélection de variétés de plantes plus productives mais plus sensibles aux bioagresseurs.

La résistance des plantes aux maladies n’était pas prise en compte car on disposait des pesticides chimiques.

En France, il faut attendre le Grenelle de l’Environnement en 2007 et le premier plan Ecophyto en 2008 pour commencer à promouvoir la réduction de l’usage des pesticides en agriculture. Nous en sommes aujourd’hui au plan Ecophyto 2+ (réduction de 50% à l’horizon de 2030), avec comme objectif la recherche de nouvelles solutions alternatives permettant de réduire cette dépendance à la lutte chimique.

  • Qu’est-ce que le biocontrôle ?

Il s’agit d’utiliser des composés naturels ou biosourcés pour lutter contre les bioagresseurs des plantes (maladies, ravageurs et adventices). Ces composés peuvent être d’origine végétale ou animale, microbienne, minérale ou issus de coproduits ou déchets agroalimentaires.

Il existe aujourd’hui quatre piliers de produits de biocontrôle disponibles dans le marché : les macroorganismes (comme les larves de coccinelles) ; les microorganismes (champignons, bactéries et virus bénéfiques) ; les médiateurs chimiques (phéromones et kairomones) ; les substances naturelles (comme les minéraux et les extraits bruts ou purifiés issus d’organismes vivants).

Ces produits agissent par activité directe vis-à-vis des bioagresseurs (bio-fongicides, bio-insecticides et bio-herbicides) ou de façon indirecte, par activation du système immunitaire de la plante (stimulateurs de défense des plantes). Pour ces derniers, on se rapproche du principe de la vaccination chez l’homme et l’animal.

  • Combien y a-t-il de produits de biocontrôle connus à ce jour ?

Une liste officielle de produits de biocontrôle, homologués, est régulièrement publiée en France. Elle concerne à ce jour 39 substances actives différentes que l’on retrouve dans 481 produits formulés. La plupart ciblent des agents phytopathogènes, mais certains d’entre eux sont des bio-herbicides ou bio-insecticides.

  • Sur quels sujets se focalisent vos recherches à JUNIA ?

Nos travaux portent sur trois volets principaux :

En premier lieu, nous recherchons de nouvelles substances naturelles actives, plus efficaces. Aujourd’hui, les produits de biocontrôle n’occupent que 5% du marché des phytosanitaires, mais une croissance forte est attendue dans les années à venir, de l’ordre de 15% par an. Nos recherches concernent par exemple l’identification et la caractérisation du mode d’action de lipopeptides d’origine microbienne sur des maladies majeures dans la Région Hauts-de-France, comme la septoriose du blé, le mildiou de la pomme de terre et la tavelure du pommier. Nous avons également identifié des nouveaux stimulateurs de défense des plantes, biosourcés à partir de coproduits de la betterave sucrière, efficaces contre la septoriose du blé.

« septoriose du blé, mildiou de la pomme de terre, tavelure du pommier »

Par ailleurs, nous menons des recherches pour optimiser l’efficacité des composés identifiés. Ces travaux concernent principalement l’optimisation de l’effet dose, de la formulation et des conditions d’application sur les plantes.

Enfin, nous développons des recherches pluridisciplinaires qui associent les scientifiques, les agronomes, les agriculteurs et les industriels afin d’améliorer l’efficacité des composés au champ. Le passage en conditions de production est une phase majeure permettant de concrétiser les innovations mises en évidence au laboratoire.

  • Vous travaillez au laboratoire mais aussi au champ ?

Nous avons besoin d’expérimenter dans les conditions réelles l’efficacité de protection des nouveaux composés identifiés, de les valider en plein champ et de transférer les résultats aux agriculteurs.

JUNIA a la chance de pouvoir coopérer avec des fermes partenaires régionales et des instituts techniques agricoles, comme ARVALIS-Institut du végétal, l’Institut de Genech, le groupe de coopérative CARRE et le Pôle Légumes Région Nord.

  • Comment voyez-vous les productions agricoles dans 10 ans ?

Avec BioEcoAgro et dans le cadre du démonstrateur Agriculture et Alimentation de demain qui sera mis en place en 2024 au sein du Palais Rameau au boulevard Vauban à Lille, nous souhaitons contribuer à développer des systèmes de production agricole qui permettent de nourrir durablement et suffisamment la planète. Cet enjeu nécessite la mise en place de pratiques culturales qui respectent la terre et les écosystèmes, en particulier la biodiversité.

« permettre à la plante de produire paisiblement »

Des pratiques innovantes qui limitent les pesticides conventionnels, la fertilisation chimique et la production de gaz à effets de serre. Des pratiques qui permettent l’adaptation des cultures aux changements climatiques déjà en cours. En résumé, tout mettre en œuvre pour permettre à la plante de produire paisiblement.

Cela exige des avancées scientifiques majeures, de l’innovation, mais surtout des changements de mentalité et de pratiques chez les producteurs, les industriels et les consommateurs.

Propos recueillis par Francis Deplancke

Lucile VERVUST

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