C’est en septembre 2020 qu’a été créé le laboratoire quantique de JUNIA. Ses activités concernent la mise au point de nanodispositifs quantiques pour l’information ainsi que l’algorithmique quantique. Il est aussi une ressource pour la formation des élèves ingénieurs de JUNIA ISEN, dans une discipline encore très peu enseignée.
La physique quantique, la physique à l’échelle de l’atome et des petites molécules, remonte aux travaux de Max Planck en 1900 et d’Albert Einstein en 1905 sur la théorie des quantas. Une théorie qui tente de modéliser le comportement de l’énergie à très petite échelle. Et qui aboutira à la définition de l’unité de calcul quantique : le Qubit.
Un potentiel de puissance phénoménal
Le premier ordinateur totalement électronique, l’ENIAC, a été mis en service en 1946 à l’Université de Pennsylvanie (USA). Il faudra encore attendre plus de cinquante ans pour que IBM produise en 1998 le premier ordinateur quantique, à deux Qubits.
Un ordinateur classique ne peut traiter qu’un état à la fois et doit répéter les actions pour examiner tous les états. L’ordinateur quantique peut explorer tous les états en même temps en manipulant les Qubits.
Par essence, les ordinateurs quantiques doublent leur puissance de calcul à chaque Qubit ajouté. Ce qui veut dire que leur potentiel de puissance est phénoménal.
Calculer les effets du dérèglement climatique…
Les générations d’ordinateurs quantiques se succèdent désormais rapidement, depuis le canadien D-WAVE, en 1999, au français Siquance en 2022. Ce sont des machines très coûteuses, qui nécessitent d’être refroidies à des températures de quelques milli-degrés au-dessus du 0 absolu : – 273,14° C.
Leurs capacités sont telles qu’ils rendent des résultats à des questions extrêmement complexes dans un temps réduit… à la microseconde.
C’est le temps qu’il faut pour déterminer la réactivité de certaines protéines utilisées dans les médicaments. Pour mieux comprendre le comportement d’une molécule dans son état naturel. Simuler des réactions chimiques et l’effet de leur catalyseur. Mais aussi calculer et prévoir plus finement les effets du dérèglement climatique.
Mettre au point de nouveaux matériaux pour le quantique
Le laboratoire LUNIQ sert deux thématiques de recherche.
La première concerne la mise au point de nouveaux dispositifs quantiques pour l’information. C’est le domaine d’Isabelle Lefebvre : « Nous nous intéressons aux sources et aux détecteurs de l’information portée par la lumière et ce, par des nano-objets réalisés par voie chimique, précise-t-elle. Ces nano-objets, du fait de leur nature quantique, sont aussi très facilement perturbés par leur environnement et peuvent ainsi servir de capteurs ultrasensibles ».
Le laboratoire dispose d’une plateforme de microscopie qui permet l’étude de la luminescence et des propriétés quantiques de la lumière émise par ces nano-objets. LUNIQ accueille un ordinateur capable d’émuler divers ordinateurs quantiques, comme ceux d’IBM et de D-WAVE et peut aussi lancer à distance un programme quantique sur une machine réelle.
Tout est question d’optimisation
La deuxième thématique de recherche, animée par Samuel Deleplanque, concerne l’algorithmique quantique, centrée essentiellement sur les questions d’optimisation.
Samuel Deleplanque reprend l’exemple de l’itinéraire du voyageur de commerce : « Etant donné un ensemble de villes à visiter, quel est le plus court circuit passant par chaque ville en une seule fois ? Pour répondre à cette question et optimiser le circuit à réaliser, nous devons recourir à la modélisation mathématique et aux calculs sur ordinateur. »
Tous les domaines sont impactés par les questions d’optimisation : organiser des tournées de véhicules, des stations de vélos en libre-service, la circulation en ville. Concevoir les chaînes de production dans les usines, les chaînes logistiques. Assurer le transport de voyageurs et le transport ferroviaire : l’optimisation se pose partout et nécessite une quantité de données que les ordinateurs quantiques peuvent traiter en quelques microsecondes.
Machines quantiques et questionnements éthiques
Les recherches sur l’optimisation sont menées en ayant accès aux différents types d’ordinateurs quantiques. « Il s’agit, in fine, d’aiguiller les problèmes à traiter vers les bons algorithmes et le bon type de machine quantique » indique Samuel Deleplanque
Les collaborations de recherche se sont multipliées ces derniers temps. Avec l’IESEG concernant la gestion de projets, tels que l’ordonnancement de machines dans une unité de production. Avec l’équipe de recherche ETH+ de David DOAT, du laboratoire ETHICS, pour explorer les questions éthiques que l’usage des machines et des algorithmes quantiques peut soulever.
« L’une des premières écoles d’ingénieurs en France à enseigner la communication et l’algorithmique quantiques »
Le laboratoire LUNIQ est également un acteur important de la formation des élèves ingénieurs de JUNIA-ISEN. « Nous avons été l’une des premières écoles d’ingénieurs en France à enseigner, dès 2019, la communication et l’algorithmique quantiques » précise Isabelle Lefebvre. Aujourd’hui, 80 élèves ingénieurs en master 1 et 2 participent aux enseignements et aux expérimentations dans le domaine de l’optimisation quantique.
L’équipe de recherche LUNIQ
Isabelle Lefebvre, ingénieur ISEN, docteur et HDR en science des matériaux, chargée de recherche CNRS à l’IEMN.
Samuel Deleplanque, ingénieur en génie logiciel, docteur en informatique.
Louis Biadala, docteur en laser matière et nanosciences, HDR en photonique et systèmes, chargé de recherche CNRS à l’IEMN.
Gabriel Chênevert, docteur en mathématiques, responsable du département informatique et mathématiques à JUNIA
Arnaud Devos, ingénieur ISEN, docteur et HDR en science des matériaux, directeur de recherche CNRS à l’IEMN.
Amélia Durbec, docteur en informatique
Propos recueillis par Francis Deplancke