Elodie Gentina ausculte depuis près de vingt ans les jeunes nés entre 1995 et 2016 et en écrit le « nuage de mots » : digitalisation, autonomie, RSE, quête de sens, équilibre vie personnelle / vie professionnelle, travail collaboratif… Comment cette enseignante-chercheuse en marketing à l’IESEG School of Management est-elle devenue une spécialiste incontournable de la Génération Z en France et au-delà ?

D’abord par le choix de thèmes de recherche dans l’air du temps. On est à l’aube, en 2003, de l’économie du savoir – ou capitalisme cognitif – où l’acquisition des données client devient l’outil indispensable pour connaître et cibler les consommateurs. Elodie Gentina choisira « Le rapport à la consommation des 12-18 ans » pour sujet de Master à la Skema Business School de Lille. Elle a 22 ans et s’amuse alors de la proximité d’âge avec son sujet de recherche.

Les Digital Natives, nés entre 1995 et 2016

Les motivations des consommateurs sont des valeurs montantes, des data personnelles auxquelles Elodie Gentina s’intéresse de près, validant sa spécialisation sur les comportements des consommateurs de la génération Z, les « Digital Natives », nés entre 1995 et 2016, à l’ère du numérique.

Sa thèse de doctorat en Sciences de Gestion (Marketing) en poche en 2008, elle est recrutée dans la foulée par la Skema Business School comme enseignante-chercheuse, dispense des cours sur le marketing et l’innovation, le marketing générationnel, le comportement du consommateur, le management…Parallèlement elle conduit ses travaux de recherche, les publie dans des revues académiques nationales et internationales et donne des conférences en France et à l’International.

La génération Z en entreprise : quels collaborateurs sont-ils ?

Elle obtient son Habilitation à Diriger des Recherches (HDR Marketing) en 2013 à l’Université de Lille puis publie un premier livre en 2016 « Marketing et Génération Z. Nouveaux modes de consommation et stratégies de marque », chez Dunod. D’autres ouvrages suivent. En 2018 « Génération Z. Des Z consommateurs aux Z collaborateurs » (Dunod) avec Marie-Eve Delécluse. En 2020 « The New Generation Z in Asia : Dynamics, Differences » chez  Emerald.

Les médias et les chefs d’entreprise la sollicitent avec cette question : comment manager la génération Z qui arrive sur le marché de l’emploi avec ses nouvelles attentes et ses exigences ? Elodie Gentina travaille avec eux (presse écrite, podcast, interviews télé…) sur toutes ces questions liées aux jeunes et au nouveau rapport au travail.

La professeure devient porte-parole de cette nouvelle génération et développe une recherche appliquée aux besoins des entreprises qu’elle décline sur tous les sujets : innovation, fidélité, travail, éthique…, toujours en lien avec les jeunes.

 « Quels consommateurs,

quels collaborateurs seront-ils ? »

D’enquêtes en questionnaires, de partenariats avec des cabinets d’études et de recrutements en témoignages directs, par le biais d’entretiens qualitatifs et quantitatifs, toutes les méthodes sont bonnes pour pouvoir identifier le plus exhaustivement possible cette génération. Qui sont-ils dans la société d’aujourd’hui ? Quel type de consommateurs sont-ils ? Quel type de collaborateurs seront-ils ?

Elle propose sa grille de lecture de la Génération Z aux employeurs, tout en l’adaptant et l’affinant pour chaque secteur d’activité et en fonction des différents déterminants. « Je n’étudie pas une cohorte mais une génération, issue de milieux socio-économiques, culturels et d’appartenance géographique différents » précise-t-elle. Comprendre leurs caractéristiques comportementales, décrypter en quoi les changements sociétaux les impactent permet de comprendre et prédire comment ils seront dans l’entreprise. »

Donner du sens à leur activité

La crise du Covid a accéléré certaines tendances qu’elle avait observées. Au niveau des modes de consommation, une recherche de produits et de marques plus éthiques, une vigilance accrue sur les pratiques de greenwashing, une alimentation favorisant les circuits courts et le local. Et une attention particulière portée à leur santé physique et mentale, un rapport plus relationnel au travail où ils sont plus fidèles à leurs collègues et leur réseau qu’à l’entreprise elle-même. Et toujours plus digitalisés.

« Avoir plusieurs vies en une »

Sur le plan professionnel, elle souligne que la génération Z n’est plus prête à consentir autant d’efforts que ses aînés : le travail n’est tout bonnement plus au centre de leur vie. Les jeunes préfèrent s’engager à la mission, pour une activité ou un projet précis plutôt que de se dédier à un métier ou une entreprise. Avoir plusieurs vies en une. Comme dans leurs jeux vidéos.

Citation : « La jeunesse est plus apte à inventer qu’à juger, à exécuter qu’à conseiller, à lancer des projets nouveaux qu’à poursuivre des anciens » (De Francis Bacon/ Les essais)

En fonction de quoi, aujourd’hui, l’entreprise doit s’adapter aux besoins existentiels qu’ils manifestent : la recherche d’un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les loisirs, le sport, les amis… Ils sont l’incarnation de l’air du temps : instantanéité, zapping, exigence. Çà passe…ou ils vont voir ailleurs. Mais il est possible de les apprivoiser…

Aux entreprises de s’adapter : manager par le « vide organisé » ?

C’’est désormais aux entreprises de s’adapter. « Le management doit être un management par le « vide organisé » explique Elodie Gentina. La génération Z a, à la fois, besoin d’un cadre, d’être responsable d’une mission et d’avoir un feed-back ». Les jeunes ont besoin de règles, d’une autonomie pour exprimer compétences et créativité et d’une reconnaissance de leurs résultats et de leur investissement dans le travail.

L’entreprise doit être apprenante et partageante. Jusqu’à la co-décision ? Ils n’en demandent pas tant, le confort matériel et le cocon numérique auxquels ils sont habitués depuis leur plus jeune âge les éloignent progressivement de l’esprit critique qui leur ferait, paraît-il, un peu défaut.

« Entreprise apprenante et partageante »

Maman de trois enfants de 11 ans, 9 ans et 5 ans, Elodie Gentina s’intéresse aussi aux derniers nés de la Génération Z. Ces utilisateurs précoces de réseaux sociaux et d’outils numériques, ces élèves apprenant sur tablette et par télé-enseignement, savent-ils seulement que 65% des métiers qu’ils exerceront à l’âge adulte n’existent pas encore ?

Si elle se sent frustrée de ne pas pouvoir faire bouger les choses aussi vite qu’elle aimerait, Elodie Gentina se félicite de son sentiment d’utilité pour la société : « Mes recherches sont stimulantes et utiles, je cherche à mieux comprendre les humains de la génération Z pour éviter les tensions et les chocs générationnels. » La professeure de l’IESEG reconnaît qu’aujourd’hui la transmission se fait dans les deux sens et qu’elle apprend de ses élèves autant qu’ils apprennent de ses enseignements.

Dernier ouvrage paru en Octobre 2023 : « Manager la génération Z : Mieux appréhender les nouveaux comportements » Gentina Elodie – Ed. Dunod

Ouvrage prochain « Management intergénérationnel » pour octobre 2024 – Ed Dunod

Propos recueillis par Lise Dominguez

contact : e.gentina@ieseg.fr

Admin Recherche UnivCathoLille

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