Praticien hospitalier à l’hôpital Saint-Philibert, médecin spécialiste en MPR et co-créatrice de l’innovante clinique SEP, le Dr Cécile Donzé affiche un intérêt particulier pour une maladie, la sclérose en plaques. Ses recherches, qui ont déjà permis le développement d’un serious game et d’applications numériques, tendent vers un même but : apporter un bénéfice direct aux patients et améliorer leur qualité de vie.
Quels travaux menez-vous actuellement en matière de recherche clinique concernant la sclérose en plaque ?
Nos recherches s’intéressent d’abord aux troubles de la marche et de l’équilibre. Nous essayons de limiter ces troubles chez les patients SEP par des protocoles de rééducation particuliers ou par une activité physique adaptée.
Grâce au laboratoire d’analyse du mouvement aménagé au sein du service, on va complètement modéliser le mouvement et le quantifier. C’est un peu la technique utilisée dans les films et les dessins animés, quand on place sur le corps des petits marqueurs réfléchissants, qui vont reconstruire le mouvement. À partir de cette analyse quantifiée de la marche, il s’agit de mettre en place des protocoles de rééducation et d’activité physique adaptée.
Vous vous intéressez également aux troubles cognitifs ?
En effet, nous nous intéressons aussi spécifiquement aux troubles cognitifs. Nous travaillons dans ce cas avec un neuro-psychologue et des neurologues, bien sûr.
Depuis trois ou quatre ans, nous avons réalisé un serious game. Baptisé L’Île de la Cognition, il permet de faire de la remédiation cognitive, c’est-à-dire de la rééducation de la mémoire, via un jeu. Ce qui est beaucoup moins ennuyeux que de la remédiation cognitive sur un support papier, en séance avec un neuropsychologue ou un orthophoniste.
Ce jeu est en phase d’évaluation pour mesurer son impact sur les troubles cognitifs de la sclérose en plaques.
Ce serious game peut-il également être utilisé par des patients atteints d’autres pathologies ?
Oui, c’est tout à fait l’idée et c’est d’ailleurs pour cela qu’on a reçu le prix de la fondation AbbVie Santé et Perspectives.
Là, nous sommes encore dans la phase d’études mais l’idée c’est de le proposer aux patients atteints de la maladie de Parkinson ou post AVC, en montrant que le jeu est aussi efficace dans ces pathologies-là.
Le nerf de la guerre, c’est d’aller chercher des financements pour ces études, qui coûtent cher.
Justement, l’activité physique adaptée est-elle en quelque sorte une « baguette magique » pour les patients atteints de SEP ?
Non, en médecine, il n’y a pas de baguette magique ! Ceci étant, l’activité physique est une arme très intéressante, qui vient en complément des traitements. Elle augmente considérablement la qualité de vie, le périmètre de marche et lutte contre les troubles de l’équilibre… On a beaucoup de patients qui viennent ici spécifiquement pour l’activité physique. La difficulté, c’est la motivation. Il faut garder les patients motivés car, s’ils arrêtent, c’est fini, on perd rapidement tous les bienfaits.
De quelle manière le sport peut-il impacter positivement les capacités cognitives ?
On pense qu’il existe un effet anti-inflammatoire de l’activité physique. Et s’il y a un peu moins d’inflammation, on imagine qu’il y aura un peu moins de difficultés au niveau cognitif.
La sclérose en plaques touche tout le corps, elle ne touche pas que les jambes, les bras. Si on arrive à limiter l’atrophie cérébrale, qu’on continue à travailler les circuits neuronaux qui ne sont pas encore abîmés ou qu’on trouve les itinéraires bis dans le cas de certaines lésions, alors oui, l’activité physique peut avoir un effet sur le cognitif.
Par ailleurs, pratiquer une activité physique régulièrement permet de limiter la fatigue. Cela parait bizarre mais quand on se reconditionne à l’effort, on limite la fatigue. Or un patient moins fatigué, moins anxieux, moins stressé a moins de troubles cognitifs.
Toutes vos recherches tendent-elles vers un même but, celui d’améliorer concrètement la vie quotidienne des patients ?
Oui, en médecine physique et réadaptation, c’est le but. Il s’agit d’évaluer précocement nos patients, pour éviter que leur cas ne s’aggrave, et de leur proposer le plus tôt possible des protocoles de rééducation adaptés, pour qu’ils aillent le plus loin possible, le mieux possible. Dans la SEP, nous accueillons des publics très jeunes, essentiellement la femme de 25 à 35 ans. Avec toute la vie devant elle, les enfants, le travail, la réinsertion professionnelle, la conduite automobile, le couple… L’autonomie et la qualité de vie, c’est ce que nous visons.
Vous êtes passionnée d’équitation. Est-ce cette passion du sport qui vous a donné l’idée de créer l’appli onStEPs ?
En effet, je fais de l’équitation depuis que je suis toute petite. Mais c’est plutôt la rencontre avec M. Guyot, un professeur d’éducation physique adaptée, en 2004, qui m’a donné l’idée de proposer ce sport aux patients. Grace à un protocole sur l’activité physique adaptée aux personnes handicapées, qui était d’ailleurs notre premier protocole de recherche.
Depuis 4 ou 5 ans, j’organise également une journée équiSEP, temps de découverte de cette activité pour les malades atteints de sclérose en plaques.
Pourquoi onStEPs, cet outil numérique dédié aux patients atteints de SEP ?
Il rend l’activité physique accessible à tous. Les patients ne peuvent pas toujours venir à Lille, dans notre service, pour faire de l’activité physique. L’utilisation d’une appli leur permet de faire du sport chez eux.
Propos recueillis par Anne Tomczak